Quand la peur de l’accouchement devient une maladie
"L'accouchement est douloureux. Heureusement, la femme tient la main de l'homme. Ainsi, il souffre moins" *
Aujourd’hui, j’ai été contrainte accepté que Tata Paulette passe la journée chez moi, le temps que les travaux dans son appartement se terminent. Je suis tellement heureuse de sa visite que je suis à deux index d’appeler Valérie Damidot pour qu’elle se ramène à bord de son camion-benne et bâcle accélère la remise en décoration.
C’est dire où j’en suis rendue.
« Tu fais quoi là ?
- Je lis. Enfin, j’essaie
[Si vous pouviez éviter de m’interrompre, ça éviterait que je relise 3 fois la même phrase].
- Et tu lis quoi ?
[« Comment faire fi des bruits de fonds en 2 temps »]
- Un article.
- Il est bien ?
[Non mais j’essaie de vous faire croire que je suis très concentrée]
- Hmmm
- Et il parle de quoi ?
[Des gens qui interrompent sans arrêt ceux qui sont en train de lire].
- De la tokophobie.
- Photokobie ? T’es enrhumée ?
- Non Paulette, tokophobe, comme tokos : accouchement, en grec. La tokophobie, c’est une peur panique de l’accouchement.
- Si je ne m’abuse, la majorité des femmes appréhendent la douleur de l'accouchement…
- Oui. Un peu. Sûrement. Peut-être, sauf que dans le cas d’une femme tokophobe, cette appréhension devient maladive, au point d’éviter de tomber enceinte, d’interrompre sa grossesse ou de préférer une césarienne. Une étude menée par des chercheurs du « Better Birth Centre » (Liverpool) vient de paraître à ce sujet et révèle que les cas de tokophobie ont augmenté de 40 % en 3 ans.
- Ah ! Et ça fait quoi la tokophobie ?
- Cela provoque des crises d'angoisse, des vomissements, des cauchemars... Tout dépend du type de tokophobie.
- Parce qu’il y en a plusieurs en plus ?
- Trois.
L'une dite "primaire", touchant les femmes ayant subi des traumatismes sexuels. Elles sont souvent tokophobes avant même de tomber enceinte et font dans la contraception excessive : elles emploient simultanément plusieurs modes de contraception pour ne pas tomber enceinte.
L'autre, "secondaire", touchent les femmes ayant souffert d'un premier accouchement difficile et douloureux. Elles ont quand même un autre enfant malgré cette peur, mais connaissent une grossesse stressante liée à une peur d’incapacité d’accoucher.
Enfin la troisième forme est souvent le résultat d’une dépression liée à la grossesse.
- Pourquoi ça augmente ?
- D’après les spécialistes, à cause des séries télévisées en partie.
- Plutôt Docteur Quinn, Urgences ou une famille formidable ?
- Plutôt les séries dans lesquelles on entend la femme hurler lors de son accouchement et/ou souffrir atrocement. La mise en scène de l’accouchement est souvent exagérée, dramatisé, et cela effraie.
- C’est vrai qu’entre ça et les "accouchements en trente secondes et ton maquillage n’a pas bougé d’un demi-millimètre" ou "tiens tu sors de chez l’esthéticienne ? Non je viens d’accoucher", il faudrait trouver un juste milieu.
- L’autre cause de l’augmentation de la tokophobie serait du à un "culte de la douleur transmis de génération en génération" . Le récit des accouchements difficiles des plus âgés dégoûteraient décourageraient les plus jeunes.
- Tu m’étonnes. C’est vrai que lorsqu’une femme raconte son accouchement, de la durée à la délivrance en passant par l’outillage éventuellement utilisé, ça peut faire fuir effrayer les femmes.
- Sauf qu’il n’y a pas que les femmes qui en souffrent. Les hommes peuvent être également sujets à la tokophobie.
- Moi qui les croyais définitivement épargnés par l’accouchement !
- Evidemment Paulette. Pourtant, une étude de la faculté de médecine de Suède a dénombré 11 % de tokophobes parmi les 762 futurs pères. Ils étaient particulièrement anxieux lors de la grossesse de leur compagne et redoutaient de ne pas être de bons parents.
- D’ailleurs, je t’ai déjà raconté comment ma grand-mère avait mis au monde son 4e enfant ?
- Non ça va, merci Paulette, je suis déjà agoraphobe limite nyctophobe, acrophobe, claustrophobe, iatrophobe et pince-oreillophobes, inutile d’en rajouter ».
*
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*Pierre Desproges - Dictionnaire superflu
Source : le parisien